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Beyrouth-sur-Seine / Ghoussoub, Sabyl (1988-....). Auteur
Livre
Edité par Stock ; Impr. Floch - 2022
Lorsque le narrateur décide de questionner ses parents sur leur pays d'origine, le Liban, il ne sait pas très bien ce qu'il cherche. La vie de ses parents ? De son père, poète-journaliste tombé amoureux des yeux de sa femme des années auparavant ? Ou bien de la vie de son pays, ravagé par des années de guerre civile ? Alors qu'en 1975 ses parents décident de vivre à Paris pendant deux ans, le Liban sombre dans un conflit sans fin. Comment vivre au milieu de tout cet inconnu parisien quand tous nos proches connaissent la guerre, les attentats et les voitures piégées ? Déambuler dans la capitale, préparer son doctorat, voler des livres chez Gibert Jeune semble dérisoire et pourtant ils resteront ici, écrivant frénétiquement des lettres aux frères restées là-bas, accrochés au téléphone pour avoir quelques nouvelles. Très vite pourtant la guerre pénètre le tissu parisien : des bombes sont posées, des attentats sont commis, des mots comme "Palestine", "organisation armée", "phalangistes" sont prononcés dans les JT français. Les années passent, le conflit politique continue éternellement de s'engrener, le Liban et sa capitale deviennent pour le narrateur un ailleurs dans le quotidien, un point de ralliement rêvé familial. Alors il faut garder le lien coßte que coßte notamment à travers ces immenses groupes de discussion sur WhatsApp. Le Liban, c'est la famille désormais.
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Frontières : un espace intime
L'homme oiseau. "Ici, tu te pose / Là-bas tu te reposes / Tu dis "Je suis chez moi" / Seulement lors du voyage / Tu es celui qui va." Beyrouth-sur-Seine, prix Goncourt des lycéens 2022 est un roman qui, je doit l'avouer, était passé au dessous des [mes] radars... Intriguée par le sujet j'ai vite réparé cet oubli et, en refermant le livre je suis agréablement surprise. Le sentiment qui décrit peut-être le mieux cette expérience de lecture, est celui d'avoir partagé avec l'auteur une histoire singulière mais dont les échos résonnent en chacun de nous. Le sujet de l'histoire tourne autour du projet de (re)constituer le narratif familial pour un film documentaire, hommage en quelque sorte à son héritage et à ses parents ; ce défi le personnage et alter ego de l'auteur il l'a tant de fois remis à plus tard ne souhaitant ou ne voulant tomber dans les pièges de la mémoire. À l'histoire intime se mêle en effet l'histoire avec un grand "H" qui a marqué la communauté libanaise, faites de guerres et diasporas, depuis le milieu des années 1970. Cet arrière plan est intéressant, il apporte un éclairage aux conflits du Moyen Orient dans les derniers 50 ans. Mais le cœur de l'histoire se trouve ailleurs, niché dans les doutes et les réflexions du personnage principal, dans les souvenirs de la mère ou les propos du père, figure emblématique et un peu iconoclaste du roman. Comment se construire quand on se sent éparpillé, pièce d'un puzzle dont on aurait jeté l'image ? De quoi se nourrit le sentiment d'appartenance ? D'un destin ? De l'amour d'une langue ? D'une culture ? Un roman qui n'apporte pas des réponse ni des vérités, seulement des questionnements qui nous font un peu plus réaliser la beauté d'être tous différents, la force de nourrir nos incertitudes par grâce et à cause de cultures plurielles. Sabyl Ghoussoub est romancier, journaliste et commissaire d'exposition, Beyrouth sur Seine est son deuxième roman.
Ester bibliothécaire Échirolles - Le 28 mars 2023 à 22:41